Les experts de l’IATA (Association internationale du transport aérien)
sont formels : en RDC, ce sont les commerçants qui font l’aviation. Cette
vérité est toujours d’actualité et la récente surchauffe constatée dans la
fixation des tarifs passagers et fret par certains exploitants aériens en est
l’une des illustrations palpables.
Les mois de juin, juillet, août et septembre constituent toujours une
très grande période de grands mouvements des personnes et des biens à travers
les cinq continents. Les grandes vacances des écoliers et élèves, les congés
annuels des parents interviennent dans les larges propositions dans
l’organisation des voyages en groupes. Aucun opérateur aérien n’ose rater cette
période de l’année pendant laquelle les avions sont bondés de monde.
D’ailleurs, pour éviter tout désagrément, les réservations des places
s’effectuent plusieurs mois à l’avance auprès des agences de voyage et de
tourisme.
Des dispositions particulières sont arrêtées pour maximiser les
recettes. Un passager dûment réservé qui ne se présente pas au comptoir
d’enregistrement le jour du vol (no show), s’expose à des pénalités. Il en est
de même du voyageur qui procède au changement de date du vol. Il va de soi que
celui qui cherche coûte que coûte l’obtention d’une place en dernière minute,
paie un petit supplément.
Sous d’autres cieux, les compagnies aériennes se livrent une rude
concurrence sur la qualité des services offerts à la clientèle. L’objectif
majeur poursuivi est le déplacement des voyageurs dans des conditions optimales
de confort, de sécurité et de sûreté et à moindre coût. Cette politique est
rendue aisée par la maîtrise des charges d’exploitation à des niveaux
compatibles.
Déréglementation sauvage en RDC
Moyen utilitaire ailleurs, le transport aérien en RDC est redevenu au
fil des années un luxe hors de portée du pouvoir d’achat de la majeure partie
des populations congolaises. Disons-le sans ambages, présentement, nous
assistons à une déréglementation tarifaire sauvage où les transporteurs
exploitant encore l’espace aérien congolais, dictent leurs lois.
Les ministères des Transports et Voies de Communication et de l’Economie
et Commerce semblent dépassés par la flambée des prix des billets des passagers
et du fret sous le fallacieux prétexte du principe de l’offre et de la demande.
L’Etat qui ne cesse de marginaliser sa compagnie aérienne nationale, pourtant
instrument par excellence de sa politique, ne peut que se prévaloir de ses
propres turpitudes.
Les travaux de certification des compagnies aériennes congolaises ont
débarrassé l’espace aérien congolais de plusieurs transporteurs qui ne
répondent pas aux normes en vigueur dans l’aviation civile internationale. Si
les autorités du ministère des Transports et Voies de Communication n’avaient
pas fermé les yeux, aucun autre exploitant en dehors d’Air Tropiques ne serait
opérationnel aujourd’hui.
Beaucoup de compagnies aériennes de droit congolais ont été ajournées
par les experts de l’IATA et de l’APAVE. Certaines ont été renvoyées pour une
seconde session. En attendant l’examen minutieux de leurs manuels des
procédures, seize autres retiennent leur souffle. Il s’agit notamment de Air
Katanga, Margo-Express, Blue Sky, Will Airlift, Gomair, Blue Airlines, LAC,
Malu Aviation, Services Air, Air Fast Congo, Busy Biee Congo, Transair Congo
Service, Doren, Dakota Aviation, Swala et Air Kasaï.
Justification de la structure tarifaire
Le vide créé dans l’espace aérien de la RDC a poussé certains
exploitants, dans leur position dominante, de gonfler démesurément leurs
tarifs. La situation du monopole de fait a eu de fâcheuses répercussions sur la
bourse des voyageurs qui n’ont plus d’autre choix devant cette offre très
limitée sur les lignes intérieures.
Et pourtant, la fixation des tarifs répond à des règles nullement
inventées en RDC. Plusieurs paramètres sont pris en compte dans le secteur du
transport aérien. En première ligne, il y a les éléments liés à l’aviation tels
l’équipage (pilotes, commis de bord, hôtesses de l’air) ; la maintenance,
l’amortissement et les assurances.
Viennent ensuite les taxes et redevances aéronautiques relatives à
l’atterrissage, au stationnement, aux routes, à la météo, etc. Le carburant
occupe une place prépondérante avec une pondération de 55 % à 60 % dans les
charges d’exploitation. Le catering, les charges diverses et la marge
bénéficiaire s’invitent également au tableau.
A l’époque, la justification de la structure tarifaire des billets des
passagers et du fret relevait de la compétence exclusive du Secrétariat général
du ministère de l’Economie, Industrie et Commerce. Il comptait en son sein la
Commission tarifaire et de lutte contre le bradage des tarifs des services
aériens, dans laquelle siégeaient les délégués de la compagnie aérienne nationale
et des compagnies aériennes privées de droit congolais. Les tarifs homologués
étaient publiés par arrêté ministériel et tous les opérateurs aériens s’y
conformaient.
Maîtrise des coûts d’exploitation
L’IATA publie chaque année des manuels des tarifs (Airline passenger
tarif APT) sur lesquels se basent les exploitants aériens dans le monde entier.
Toutefois, au nom du libéralisme économique, chaque compagnie fixe ses propres
tarifs.
Face à la forte concurrence, la priorité dans ce secteur est la maîtrise
des coûts d’exploitation doublée de la recherche des stratégies d’attraction du
plus grand nombre de passagers et du fret sur ses lignes. Ainsi, sur un même
vol, plusieurs tarifs sont proposés à la clientèle.
Il y a d’une part les tarifs normaux qui s’appliquent aux passagers des
classes économiques, affaires et premières. D’autre part s’affichent les tarifs
préférentiels ou spéciaux offerts aux groupes d’âge (enfants, personnes âgées),
aux familles, aux missionnaires, aux sportifs, aux étudiants, etc. Les passagers
sont soignés aux petits oignons au point d’avoir l’embarras du choix. Les
compagnies aériennes investissent énormément pour aligner des aéronefs de
nouvelle génération avec une faible consommation en carburant, offrent un
service haut de gamme à la clientèle au sol comme à bord, une grande
flexibilité des tarifs, une exploitation optimale de la flotte 24 heures sur
24, etc.
Kinshasa-Goma à 1280 USD
A l’opposé, en RDC, les exploitants aériens se heurtent à moult écueils
qui empêchent l’exploitation optimale des avions. La carence de carburant dans
certaines escales contraint les compagnies aériennes à emporter beaucoup plus
de carburant dans les soutes des avions en vue d’assurer leur rotation tout en
sacrifiant plusieurs sièges payants.
L’insuffisance des instruments d’aide à la navigation interdit les vols
de nuit dans la plupart des aéroports à l’intérieur du pays. D’où la
limitation drastique du temps opérationnel avant la tombée de la nuit. Or, un
avion est conçu pour voler. Plus l’aéronef est opérationnel, mieux cela vaut et
se traduit par des recettes plantureuses qui permettent d’absorber différentes
charges.
Tous ces facteurs associés à d’autres, et pas des moindres, ont conduit
les exploitants aériens restés seuls sur le terrain à tirer largement la
couverture de leur côté en imposant leurs tarifs. Aux dernières nouvelles, un
vol de deux heures entre Kinshasa et Goma se négocierait autour de 1.280
dollars américains. Pratiquement, le double d’un aller-retour
Kinshasa-Johannesburg ou un aller-retour Kinshasa-Bruxelles-Kinshasa.
Ailleurs, un vol transatlantique Londres-Miami d’au moins six heures
revient à peine à 190 euros. De quoi tomber à la renverse ! Trêve de
jérémiades. La RDC aux dimensions sous continentales avec plus de 70 millions
d’habitants, a besoin de dizaines, voire de centaines d’aéronefs pour faciliter
la mobilité des gens sur de longues distances à l’intérieur des provinces avec
des courts courriers, entre les provinces avec des moyens courriers et avec les
pays étrangers avec des longs courriers.
Relance de la compagnie aérienne nationale
La remise à flots de la compagnie aérienne nationale existante est d’une
impérieuse nécessité d’autant plus qu’elle se situe en droite ligne des
recommandations pertinentes des Concertations nationales qui continuent à faire
couler beaucoup d’encre et de salive.
La compagnie aérienne nationale a déjà eu à exploiter avec beaucoup de
bonheur les trois axes précités et en garde une solide expérience. Les
efforts des autorités du pays devraient s’accentuer pour propulser LAC en vue
de faire appliquer la politique tarifaire du gouvernement avec des tarifs
homologués qui n’asphyxient pas les populations dont le pouvoir d’achat est
sérieusement érodé.
Ceci n’est un secret pour personne dans la profession. Lorsque les
avions de LAC sont dans l’espace aérien de la RDC, tous les exploitants
s’alignent sur ses tarifs, au point même de les brader pour étouffer l’élan de
LAC. Le pays ne peut pas être laissé à la merci d’opérateurs économiques qui
pensent légitimement à faire fructifier leurs investissements.
Voilà pourquoi dans un élan patriotique de véritables hommes d’Etat, les
autorités de la République sont interpellées pour libérer les populations
congolaises de cette forte étreinte en balisant la voie de la reprise des
activités de l’instrument désigné de la RDC. C’est une question de volonté
politique qui n’expose nullement le pays à des décaissements onéreux des fonds.
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